Norouz, le Nouvel An iranien

Offrandes des prêtres à Persepolis
Prêtres mèdes et arachosiens (Persepolis).

Le début d’une nouvelle année ne se résume pas à l’Occident ou à la Chine. Au Moyen-Orient et en Asie centrale, la célébration du Norouz revêt une importance particulière.

Si la Perse était autrefois à la mode en Occident, l’Iran demeure aujourd’hui mal connu. C’est l’un des rares pays au monde possédant une histoire continue depuis plusieurs millénaires. L’Iran est aussi une terre de festivals dont les origines remontent à des époques lointaines.

Norouz

Ce festival originaire d’Iran s’est largement répandu dans toute l’Asie centrale, du Proche-et Moyen-Orient et même jusqu’à certaines parties des Balkans. Il correspond à l’arrivée du printemps. Il est donc célébré entre les 20 et 22 mars, au moment du passage du soleil à l’équateur. C’est l’Institut de géophysique de Téhéran qui fixe le début exact de la nouvelle année. Si le soleil passe à l’équateur avant midi (heure de Téhéran), c’est le jour de l’an. Autrement, le jour de l’an débute le jour suivant, ce qui a été le cas en 2013. Les Iraniens ont alors fêté l’année 1392.

Il est possible de suivre, tous les ans, le compte à rebours menant au passage à la nouvelle année et de connaître l’heure exacte de ce passage dans de nombreuses villes du monde.

Norouz (نوروز) signifie, en persan, « nouveau jour », du vieux persan, de l’avestique nava rowch, « nouvelle lumière ». Ces mots sont d’origine indo-européenne.

Une célébration ancienne

Symbole de Norouz à Persepolis
Bas-relief à Persepolis représentant le combat lion-taureau au moment de l’équinoxe de printemps ; l’affrontement éternel du taureau (personnifiant la Terre) et du lion (personnifiant le Soleil) qui possèdent tous deux la même force. C’est un symbole qui a été diversement interprété, y compris en tant que symbole de Norouz.

Tout porte à croire que Norouz était déjà célébré il y a plus de 3 000 ans. On retrouve à Persépolis des bas reliefs y faisant référence, sous la dynastie des Achéménides (v. 555–330 av. J.-C.). Norouz était célébré avec majesté. Avec l’arrivée d’Alexandre le Grand, la Perse a connu des évolutions culturelles et il est difficile de connaître, avec précision, comment le Nouvel An était célébré. En effet, les témoignages et écrits datant de cette époque sont peu nombreux. Cependant, Norouz faisait partie intégrante du zoroastrisme et, sous la dynastie des Sassanides (224-654 de notre ère), il demeurait une tradition bien vivace.

D’ailleurs, Norouz faisait partie des sept plus importants festivals du zoroastrisme. Selon Mary Boyce, spécialiste des langues iraniennes et du zoroastrisme, « il semble raisonnable de dire que Norouz, le plus saint d’entre eux [festivals], avec une profonde signification doctrinale, fut fondé par Zoroastre lui-même. » (Boyce, 1993, p. 105).

Les écrivains de cette époque ont laissé de nombreux témoignages de l’époque des Sassanides et de la manière grandiose dont était célébré Norouz. Quelques adaptations ont été apportées, mais sans réussir à modifier cette fête ancrée dans la culture perse. Même la volonté de certains émirs de transformer et de réduire cette célébration n’a pas été couronnée de succès. Pas plus que l’invasion du pays par les Moghols. Selon des poèmes de cette époque, Norouz a été un moyen de résistance de la Perse qui l’a aidé à garder son indépendance.

Tous les textes anciens, que ce soit la poésie, les récits de voyageurs européens ou des savants chiites, tous s’accordent à décrire une fête majestueuse, à la fois identitaire et religieuse.

Norouz aujourd’hui

C’est la fête traditionnelle iranienne par excellence, la seule qui nous vient de la Perse ancienne et qui est célébrée officiellement. Les anciennes coutumes datant au moins de l’époque des Abassides ont été conservées ; elles ont pour objet d’accueillir la nouvelle année. Les Iraniens nettoient de fond en comble leur maison, achètent de nouveaux vêtements, sautent au-dessus d’un feu pour se prémunir des maladies…

Cette dernière coutume, Tchâhâr Shanbe Souri (persan : چهارشنبه سوری), est célébrée le dernier mardi soir de l’année ; c’est un moment où tout le monde sort dans la rue, fait des feux et saute par dessus en criant Zardie man az tou Sorkhie tou az man (littéralement : Je te donne ma couleur jaune, tu me donnes ta couleur rouge –celle du feu –, mais figurativement : je te donne ma pâleur – ou ma maladie –, je prends ta force (ta santé)).

Hâdji Firouz
Hâdji Firouz à Téhéran.

À cette époque, un personnage traditionnel fait son apparition dans les rues : Hâdji Firouz (persan : حاجی فیروز / هاجی فیروز) ou Khwaja Pirouz. Le visage couvert de suie et habillé de rouge, il danse sur la voie publique en chantant et en jouant du tambourin. On l’appelle également Amou Norouz (oncle Norouz).

Chanson typique

Hâdji Firouz e, sâl-i ye rouz e (C’est Hâdji Firouz, c’est seulement un jour dans l’année)
Hame midounan, man am midounam (Tout le monde le sait, je le sais également)
Eyd e Norouz e, sâl-i ye rouz e (C’est Norouz, c’est seulement un jour dans l’année)

Haft-sin
Le haft-sin.

Parmi ces coutumes, les familles placent sur une table les haft sin, soit sept objets à forte symbolique, dont le nom commence par « s » en persan. En général, on y trouve des pièces d’or (prospérité), du vinaigre (âge et patience), de la verdure (renaissance), des pommes (beauté et santé), de l’ail (médecine), des jacinthes (l’arrivée du printemps), du sumac (la couleur du lever du soleil), une sorte de halva (la force), etc. À ces objets, on rajoute un bocal avec au moins deux poissons (la vie), un miroir (symbolisant le ciel, mais aussi la propreté et l’honnêteté), des olives de Bohême séchées (l’amour), des œufs peints (la fertilité), un livre sacré (Avesta, Coran) et/où de poésie (Hafez, Shâh Nâmâ, Ghatas)…

À l’annonce du début de Norouz, les Iraniens s’échangent des cadeaux, mangent des friandises et des fruits. On rend visite à la famille, aux amis, on renoue des liens, on cherche à effacer les malentendus… Le repas traditionnel est le Sabzi Polo Mahi, du riz cuit aux fines herbes accompagné de poisson.

Le treizième jour des fêtes du Nouvel An – Sizdah Bedar (signifiant littéralement « treizième dehors ») – est un jour festif qui est célébré en plein air, souvent accompagné de musique et de danse. Traditionnellement, les Iraniens pique-niquent en famille.

Norouz reste lié au zoroastrisme. Il symbolise encore aujourd’hui la fin de l’hiver (Arhiman) et l’arrivée d’une nouvelle vie avec l’apparition du printemps (Ormuzd). Il revêt une grande importance pour les Iraniens, car il est fortement lié à leur passé et à leur identité.

Reconnaissance internationale

Depuis 2009, Norouz est inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité (UNESCO) et déclaré et reconnu, en 2010 par l’ONU, Journée internationale de la culture et de la paix.

Norouz est aussi connu, selon les pays, sous les appellations suivantes :

Nouruz, Norouz, Norooz, Narooz, Nawru, Nauruz, Nawroz, Noruz, Nohrooz, Novruz, Nauroz, Navroz, Naw-Rúz, Nowroj, Navroj, Nevruz, Newroz, Navruz, Navrez, Nooruz, Nauryz, Nevruz, Nowrouz.

Pays où Norouz est célébré : Iran, Afghanistan, Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Géorgie, Iraq, Kazakhstan, Kosovo, Kirghizistan, Kurdistan, Russie, Syrie, Tadjikistan, Turquie, Turkménistan, Ouzbékistan.

Bibliographie :

Bahrami Askar, Les Fêtes iraniennes, Éd. Bureau des recherches culturelles, Téhéran, 2005.

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